Neutre : accessible à tous |
Baromètre à eau Source : Jean-Jacques MILAN (Wikimedia commons) |
En 1959 parait dans le magazine Pride de l'American College Public Relations Association un article intitulé Angels on a Pin, par Alexander Calandra, professeur de Physique à l'université de Washington à St. Louis dans le Missouri. Cet essai relate l'histoire d'un étudiant défiant toutes les attentes de son professeur sur une question simple de physique.
« A presque tous les niveaux, cet essai ne résiste pas à l'analyse critique. Je me demande pourquoi il est devenu si célèbre dans la communauté des Physiciens ? »
Donald Simanek, professeur émérite de Physique à l'université Lock Haven de Pennsylvanie.
Le titre serait une référence à la scolastique médiévale adepte de questionnements saugrenus comme combien d'anges peuvent danser sur la tête d'une aiguille ?
Personnellement, je vois dans cette fable une illustration de l'importance de la créativité dans les sciences, compétence qui n'est que trop rarement stimulée dans l'enseignement, voire systématiquement ignorée...
On attribue généralement le rôle principal de l'histoire au célèbre physicien quantique Niels Henrik David Bohr (1885 - 1962), prix Nobel de Physique en 1922 et l'arbitre au chimiste Sir Ernest Rutherford (1871-1937), prix Nobel de Chimie en 1908, même s'ils ne se sont probablement rencontré que bien après les études de Bohr.
Des anges sur une aiguille
« J'ai reçu un coup de fil d'un collègue à propos d'un étudiant. Il estimait qu'il devait lui donner un zéro à une question de physique, alors que l'étudiant réclamait un 20. Le professeur et l'étudiant se mirent d'accord pour choisir un arbitre impartial et je fus choisi. Je lus la question de l'examen :
Montrez comment il est possible de déterminer la hauteur d'un immeuble à l'aide d'un baromètre.
L'étudiant avait répondu : On prend le baromètre en haut de l'immeuble, on lui attache une corde, on le fait glisser jusqu'au sol, ensuite on le remonte et on calcule la longueur de la corde. La longueur de la corde donne la hauteur de l'immeuble.
L'étudiant avait raison vu qu'il avait répondu juste et complètement à la question. D'un autre côté, je ne pouvais pas lui mettre ses points : dans ce cas, il aurait reçu une excellente note de physique alors qu'il ne m'avait pas montré de connaissances en physique. J'ai proposé de donner une autre chance à l'étudiant en lui donnant six minutes pour répondre à la question en l'avertissant qu'il devait utiliser ses connaissances en physique. Après cinq minutes, il n'avait encore rien écrit. Je lui ai demandé s'il voulait abandonner mais il répondit qu'il avait beaucoup de réponses pour ce problème et qu'il cherchait la meilleure d'entre elles. Je me suis excusé de l'avoir interrompu et lui ai demandé de continuer. Dans la minute qui suivit, il se hâta pour me répondre :
— On place le baromètre à la hauteur du toit. On le laisse tomber en mesurant son temps de chute avec un chronomètre. Ensuite en utilisant la formule , on trouve la hauteur de l'immeuble.
À ce moment, j'ai demandé à mon collègue s'il voulait abandonner. Il me répondit par l'affirmative et donna presque 20 à l'étudiant. En quittant son bureau, j'ai rappelé l'étudiant car il avait dit qu'il avait plusieurs solutions à ce problème.
— Hé bien, dit-il, il y a plusieurs façons de calculer la hauteur d'un immeuble avec un baromètre. Par exemple, on le place dehors lorsqu'il y a du soleil. On calcule la hauteur du baromètre, la longueur de son ombre et la longueur de l'ombre de l'immeuble. Ensuite, avec un simple calcul de proportion, on trouve la hauteur de l'immeuble.
— Bien, lui répondis-je, et les autres.
— Il y a une méthode assez basique que vous allez apprécier. On monte les étages avec un baromètre et en même temps on marque la longueur du baromètre sur le mur. En comptant le nombre de traits, on a la hauteur de l'immeuble en longueur de baromètre. C'est une méthode très directe. Bien sûr, si vous voulez une méthode plus sophistiquée, vous pouvez pendre le baromètre à une corde, le faire balancer comme un pendule et déterminer la valeur de g au niveau de la rue et au niveau du toit. À partir de la différence de g la hauteur de l'immeuble peut être calculée. Finalement, il conclut :
— Il y a encore d'autres façons de résoudre ce problème. Probablement la meilleure est d'aller au sous-sol, frapper à la porte du concierge et lui dire : « J'ai pour vous un superbe baromètre si vous me dites quelle est la hauteur de l'immeuble ».
J'ai ensuite demandé à l'étudiant s'il connaissait la réponse que j'attendais. Il a admis que oui mais qu'il en avait marre de l'université et des professeurs qui essayaient de lui apprendre comment il devait penser scientifiquement en explorant la logique profonde du sujet de façon pédante comme avec les "nouvelles mathématiques", plutôt que de lui apprendre sa structure. Avec ceci en tête, il décida de ressusciter la scolastique comme un moyen pédagogique de secouer le fébrile enseignement Américain »
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